La naissance de la psychanalyse (16)

Le désir

Pour Freud, le désir nait du réinvestissement d’une trace mnésique. C’est en ce sens, et en ce sens seulement que l’on peut parler de désir en psychanalyse.

 

Donc, ce désir, qui s’origine dès son départ, au niveau psychique et qui se déroule et se déploie exclusivement au niveau psychique, c’est une tension dynamique qui sert, dans un premier temps, à se représenter la satisfaction sur un mode anticipé et ultérieurement, quand l’enfant devient de plus en plus autonome, c’est ce désir qu’il va mobiliser activement dans sa recherche des objets.

Il mobilise le sujet vers des processus de satisfaction.

Il n’y a pas de satisfaction de désir dans la réalité. La seule satisfaction de désir, c’est l’accomplissement de désir (satisfaction hallucinatoire).

S’il n’y a pas d’objet du désir dans la réalité, il n’y a que des objets de besoin.

 

A partir de la seconde expérience de satisfaction, l’enfant, au fur et à mesure que ces expériences vont se répéter, l’enfant, va utiliser de mieux en mieux le sens qui aura été donné à son vécu psychique initial.

Ce qui veut dire que l’enfant va mobiliser son corps, l’état de son corps comme des signes qu’il va utiliser de façon intentionnelle pour adresser un message à l’autre, au grand Autre.

 

Donc, dès l’instant où il y a cette mobilisation signifiante des états du corps de l’enfant dans quelque chose adressé au grand Autre, on peut parler d’une demande.

Ce qu’il demande, c’est évidemment le retour de la satisfaction initiale.

Et par sa demande, l’enfant témoigne donc, non seulement de son entrée dans l’univers symbolique, mais il est aussi entré dans l’univers du désir. Mais pour qu’il y soit entré, il a d’abord fallu que la mère l’assujettisse à son propre désir.

 

La conséquence, c’est que le désir, c’est donc, pour un enfant, toujours quelque chose qui s’inscrit entre la demande et le besoin (Lacan).

Cette demande de l’enfant est une demande qui est double. Toujours double parce que c’est comme ça qu’elle lui a été rétrospectivement signifiée.

La demande, c’est toujours la demande de l’objet, mais c’est aussi la demande de l’amour. Cette demande double, c’est toujours quelque chose qui est formulé à autrui.

 

Elle reste fondamentalement demande d’amour. A la limite, l’objet du besoin, l’enfant peut finir par s’en passer (anorexie des nourrissons).

L’enfant demande de jouir avec la mère. Il désire la mère. Ce que l’enfant désire, c’est d’être en permanence le seul objet du désir de la mère.
L’enfant désire être l’objet du désir du grand Autre.

 

Ça a pour conséquence que tant que la mère incarnera auprès de cet enfant ce 1er grand Autre, le grand Autre du désir, il sera impossible à l’enfant d’imaginer autre chose que le fait que sa mère est toute puissante.

C’est elle qui introduit l’enfant au plaisir sans qu’il l’ait cherché, sans qu’il l’ait attendu, sans qu’il l’ait d’abord demandé, celle qui lui apporte le plaisir au-delà du besoin ; la mère ne peut être que toute puissante pour l’enfant. Et il se comporte avec elle comme si elle l’était. Une des expressions les plus archaïques, les plus persistantes de cette croyance à cette toute puissance de la mère, c’est que l’enfant entend rester son seul et unique objet de désir.

C’est un imaginaire auquel l’enfant va adhérer un certain nombre d’années, et il récusera Tous les signes qui pourraient lui faire penser qu’il n’est pas ce seul et unique objet du désir de l’Autre.

 

Originairement ce désir de l’enfant (désir du désir de l’Autre) s’accomplit dans le souhait d’une retrouvaille de la satisfaction originaire qui a comblé l’enfant sur ce mode unique, à savoir sans qu’il l’ait cherché, sans qu’il l’ait demandé, sans qu’il l’ait attendu.

 

Le caractère unique de cette jouissance originaire tient à l’absence de médiation psychique.

 

La seconde expérience de satisfaction, elle, est portée, sous-tendue par une représentation psychique. Cette médiation, cette représentation psychique, c’est ce qui va inévitablement confronter l’enfant à l’ordre d’une perte.

Quelque chose s’est perdu entre ces deux satisfactions simplement dans la mesure où la seconde n’est jamais identique à la première.

L’enfant est assujetti à l’exigence d’avoir à demander ce qu’il désire, de signifier ce qu’il désire. Ce qu’il découvre, c’est qu’il y a toujours une inadéquation totale entre ce qui est fondamentalement désiré et ce qu’il en signifie dans sa demande. Et cette inadéquation, c’est ce qui mesure l’impossible retrouvaille de la jouissance première avec le grand Autre.

 

Au niveau de la première expérience de satisfaction, le grand Autre a un statut tellement privilégié, qu’il ne réapparaîtra jamais plus à l’enfant comme tel dès la seconde expérience de satisfaction. Il y a quelque chose qui a été irréductiblement perdu. Ce grand Autre à jamais perdu (sauf dans la réalité psychique), c’est ce que Freud appelait la chose :  Das Ding.

 

La chose, c’est ce grand Autre inaccessible qui a fait jouir l’enfant originairement.

Ce que l’enfant va s’efforcer de désigner, de signifier à travers ses demandes, c’est que la satisfaction se reproduise toujours de la même façon. Ce qu’il retrouvera, comme réponse à sa demande, c’est une autre satisfaction où la mère lui apparaitra autrement. En ce sens, on peut dire que la demande ne peut jamais signifier adéquatement la chose. L’introduction de la demande s’efforce toujours de désigner la chose, mais en fait, désigne toujours tout autre chose dans le même temps.

On pourrait dire que c’est le fait même de l’intentionnalité signifiante (intentionnalité du besoin qui est obligé de se signifier dans une demande) qui introduit ce rapport d’impossibilité à la chose. Plus la demande se déploie, plus l’écart se creuse en la chose et ce qui est signifié.

Donc si cette demande, c’est toujours l’expression du désir (c’est le désir qui est obligé de se faire demande pour se faire entendre), on peut dire que de demande en demande, le désir se structure donc comme désir d’un objet impossible, au-delà de l’objet du besoin.