Peut-on donner une définition de l’amour ? Du point de vue de la psychanalyse, l’amour étant par essence narcissique, on peut penser qu’il n’est qu’une tentative pour retrouver l’unité narcissique perdue. Mais, si le narcissisme découpe l’espace formel de l’amour, il apparaît plus incisivement comme ce qui donne forme, certes par l’image idéalisée d’un semblable, à autre chose qui se trouve recherché et retrouvé dans l’amour sans être pourtant reconnu, identifié : dans le souvenir nostalgique des liens oedipiens, les traits de l’objet du désir inconscient.

Une possible définition de l’amour

Dans l’amour, dans le désir d’amour, il n’y a, du point de vue de l’inconscient, qu’amour de l’objet qui viendrait satisfaire le désir inconscient dans sa visée radicale de jouissance. Le partenaire de nos « je t’aime » est donc en l’autre auquel on croit s’adresser, ce qui le rend aimable : quelque chose qu’il représente et qui pourtant ne le concerne pas en tant que tel.

Cette définition de l’amour implique une réciprocité totale entre le sujet et l’image fondamentale de son désir inconscient. On comprend que dans le fonctionnement en miroir de l’amour (on n’est jamais amoureux que de sa propre image) se capture la jouissance narcissique, mortelle dans la rencontre fascinante en l’autre aimé de l’objet qui satisfait sans détour au désir d’être « un ». Ce qu’on appelle le « coup de foudre », comble de la passion amoureuse, sa perfection, trouve là son point de conflagration fusionnel.

Dans cette définition de l’amour, l’aimé est le support d’une image partielle, d’un point d’idéal. C’est aussi ce qui apparaît quand celui-ci est un jour entendu dans le bruit qu’il fait en mangeant, le ridicule de son rire, le charme rompu de ses traits. Devenu brusquement dissemblable de l’amour qu’on lui porte, il chute de l’image qui le faisait aimable, désirable. Moment de désillusion qui souvent entraîne une rupture entre amoureux.

Mais c’est paradoxalement aussi cette chute de l’idéalisation qui peut permettre une véritable rencontre de l’autre : la reconnaissance de l’altérité suppose que se défasse le mirage et pourtant le sentiment amoureux suppose qu’il se produise.

Le désir amoureux

Passons de la définition de l’amour à celle du désir. Les amoureux, le couple où il y a de l’amour, sont dans la quête chez l’autre aimé de ce qui saurait enfin les combler, ce qui le pousse vers le désir et l’accomplissement sexuel.

C’est dans les premières années de la vie sexuelle que l’orgasme occupe une position centrale de la relation amoureuse et qu’il est considéré comme le baromètre d’un rapport sexuel réussi. Une connaissance de soi et de l’autre insuffisante fait que le plaisir est souvent très aléatoire pour les femmes et difficilement contrôlable pour les hommes.

La jouissance, elle, parle d’abandon, d’émotions, de capacité à se laisser aller à l’autre, à ses fantasmes et à ses sens. La magie de la jouissance réside, pour l’homme comme pour les femmes, dans l’incessante fluctuation entre désir et plaisir.

Au-delà des différences physiologiques et psychologiques entre hommes et femmes, la jouissance exige un climat particulier fait de désir, de confiance et de respect. Impossible de s’abandonner dès lors que l’on s’attache trop au plaisir de son partenaire ou au sien propre. On réduit alors immanquablement l’autre à un objet de plaisir, ou soi-même, à un objet narcissique.

Amour et désir ne sont donc pas synonymes. Et leur confusion provoque plus d’un chagrin d’amour. Quand l’amour, trop passif, ne permet pas d’accéder à un inaccessible objet de désir, il devient fantasme impuissant.

On pense là à une définition de l’amour romantique, consacrée au XIXe siècle, par Flaubert et le Bovarysme. Ces amours platoniques traduisent bien l’impossible quête de soi-même dans l’image idéalisée de l’autre et d’un objet de désir qui se dérobe.

Amour et psychothérapie

L’être humain vient au monde par l’amour, et c’est la qualité des liens qu’il nourrit avec son environnement, en tant que jeune enfant qui vont le nourrir, sur le plan psychologique. Les êtres humains poussent la porte d’un psychothérapeute pour essayer de comprendre comment ces liens altérés suscitent chez eux une inadaptation au monde.

Le malaise peut prendre la forme d’une peur d’aimer, ou au contraire, le visage de la dépendance affective. On observe aujourd’hui de grandes souffrances dans les relations affectives remplies d’incompréhension, d’incapacité à s’exprimer, de solitude, de manque de tendresse et de difficile acceptation de l’autre et de soi-même. L’amour est donc à la fois le fondement et le but de la psychothérapie ou de la thérapie de couple.

Tant que des souffrances relationnelles persistent chez l’individu, la tentation de combler ce manque « que l’on n’a pas reçu », ou ce « reflet de nos solitudes intérieures » comme le disait le psychanalyste Eric Fromm, est d’autant plus grande.

La psychothérapie aide à réparer les manques narcissiques profonds, matrices à fantasmes sur le plan amoureux, qui nous projettent dans des attachements stériles.

Qu’est-ce qu’un amour passif, en effet, sinon un droit d’aimer ou d’être aimé que l’on s’interdit ? Et quelle relation peut-elle mettre mieux à l‘abri de la souffrance et de la déception, que celle que l’on ne vit pas ?

Partant de là, le travail sur soi élaboré en thérapie est un travail de reconstruction personnel qui aboutit à devenir capable d’aimer véritablement. Un travail qui consiste à dépasser son propre narcissisme et ses dépendances pour être capable de donner et recevoir à la fois.

Le cadre thérapeutique permet aujourd’hui d’entamer une analyse, via une thérapie par Skype. Pour que le manque de temps ou la distance n’entrave pas la volonté de progresser et d’avancer dans son devenir affectif.

Pascal Couderc, psychothérapeute à Montpellier et Paris, assiste depuis son cabinet ou en visioconsultation depuis toute la France, des patients aux prises avec une vie affective difficile. De nouvelles pratiques transforment aujourd’hui la rencontre amoureuse, avec les échanges en ligne et autres sites de rencontres qui fleurissent sur le web. Elles ne sont pas sans risques. En effet, elles accentuent cet effet miroir de l’amour qui amène à la projection narcissique dans l’autre.

Pascal Couderc est, à ce sujet, l’auteur d’un ouvrage en collaboration avec Catherine Siguret ; « L’amour au coin de l’écran, du fantasme à la réalité », paru en 2012.