La naisssance de la psychanalyse (5)

Présentation d’un cas clinique

 

On ne peut pas faire référence à la psychanalyse sans faire référence à la fois à la théorie et à la clinique.

Rendre compte des processus inconscients, c’est aussi parler de soi. Dans tout exposé, il y a un parti pris de celui qui expose. La façon de parler est personnelle, même si le contenu est codifié dans les ouvrages de psychanalyse.

Cas évoquant la phobie, masquée par d’autres aspects symptomatiques, les perversions.

Une femme de 36 ans, adressée au début de l’année 1993, par un gynécologue pour un problème de frigidité persistante, inexplicable.

Ce symptôme s’était installé 1 an auparavant, et avait eu pour conséquence l’absence complète de tout échange sexuel.

Ce symptôme était associé à des symptômes dépressifs entraînant l’arrêt de son activité professionnelle. Enseignante, elle avait obtenu un congé de longue maladie.

Après une série d’entretiens, cette femme a fait un minutieux discours sur les implications de sa souffrance dont la désertion de toute vie familiale (elle ne s’occupait plus de ses fils de 14 et 16 ans) car elle était plongée dans une régression infantile telle, qu’elle était prise complètement en charge par son mari et ses enfants.

Le tableau est le tableau classique de la neurasthénie (au sens d’état végétatif, très dépressif, état d’hébétement, incapacité de se comporter normalement dans la vie quotidienne).

Il semblait que ce tableau de neurasthénie était trop clair.

Or, après plusieurs séances, la patiente n’avait plus jamais reparlé de sa frigidité. Le jour où l’analyste lui a rappelé de parler davantage de ce problème-là, elle fut prise d‘une crise d’angoisse (une crise d’angoisse étant quelque chose de très invalidant pour laquelle on ne trouve pas d’explications) se manifestant par le mutisme, l’incapacité de pouvoir parler.

La séance d’après, la patiente n’est pas venue.

La séance suivante, elle s’est présentée ivre, dans un état d’excitation (épanchement verbal), dû à l’alcool pris pour lui faciliter la tâche, celle de parler de ce qu’elle appelait « son infirmité« , cause majeure de sa frigidité.

ˮSon infirmité » était une pratique masturbatoire incoercible, irrésistible, impulsive, incontrôlable.

En avril 1992, alors qu’elle faisait un cours, elle fut saisie d’une éclipse de la pensée à laquelle a fait suite l’idée insensée de se masturber. Elle décrit à partir de cette idée obsédante, le calvaire de sa journée de cours jusqu’à ce qu’elle pût rentrer chez elle ; là, elle fut apaisée provisoirement.

Le lendemain, l’idée obsédante la reprit, et les jours suivants, jusqu’à lui rendre impossibles les exigences d’une vie professionnelle et d’une vie familiale.

Dans le même temps, apparition de symptômes maniaques (= que l’on ne petit maîtriser) : des perversions (au sens clinique : mode de fonctionnements psychiques que l’on appelle les comportements pervers).

Apparition d’une série de fantasmes prenant appui sur des comportements : elle était obsédée par le fait que son mari et ses fils se masturbent sans qu’elle le sache ; de ce fait, elle exerçait une surveillance quasi-délirante.

Toute son activité domestique était centrée sur ce qu’elle appelait « le piège à masturbation » : elle examinait les draps, le linge de toilette, les vêtements. Elle faisait des perquisitions dans leur chambre (elle faisait chambre à part avec son mari).

Elle avait mis en place des stratégies : elle avait disposé des revues pornographiques dans les W.C. et elle chronométrait le temps que son mari et ses fils passaient aux toilettes. Elle traçait des courbes, tirait des conclusions.

Le psychanalyste assistait au feuilleton quotidien de la souffrance de cette femme. Il a pensé à l’existence d’une liaison entre son activité masturbatoire à elle, et ses stratégies pour évaluer celle de son mari et de ses fils.

La patiente a fini par dire que par ce dispositif scrutatif, elle se défendait d’une phobie du sperme (une phobie, c’est irraisonné, c’est une peur que l’on peut soigner en revenant à l’origine du mal).

Elle a évoqué tous les dispositifs contra-phobiques.

Le déploiement de ces organisations quotidiennes, c’est ce qui rendait sa vie quotidienne impraticable.

Elle devait développer des rituels compliqués : tous ses objets personnels étaient enfermés à clé (couverts, vaisselle, ustensiles culinaires, linge de toilette, tout était aseptisé, stérilisé), elle récurait tout elle-même. Elle ne pouvait plus utiliser les toilettes publiques ; quand elle était obligée de se déplacer, elle se munissait de couches.

Après une année, l’analyste ne comprenait toujours rien.

Au cours d’une séance cependant, la patiente raconte que sa mère est venue lui rendre visite : journée sereine où elle n’a pas été ennuyée par son idée obsédante.

Le psychanalyste lui demande ce qu’elle a fait de sa journée pour ne pas avoir pensé à ce qui l’obsédait : elle répondit qu’avec sa mère, elles avaient parlé de son père.

L’analyste lui a alors demandé de discuter avec sa mère de la façon dont elle était née.

Quand cette femme a dit : « Mon analyste veut savoir comment je suis née », sa mère a répondu : « Comment l’a-t-il su ? ».

C’est ainsi que cette patiente a appris que son père n’était pas son géniteur : sa mère était enceinte de 3 mois (elle avait alors une activité sexuelle si généreuse qu’elle ignorait qui était le père de l’enfant) quand son père l’a épousée.

Père et mère ont bien gardé le secret, puisque cette femme ne savait toujours pas que son père n’était pas son géniteur.

Cette révélation est la révélation de quelque chose d’inconscient

Déduction de la cause de la phobie du sperme :

La patiente est née le 13 janvier 1957, elle a été procréée en avril 1956. La phobie du sperme est apparue à 36 ans moins 9 mois (avril 1992), à l’âge qu’avait sa mère quand elle l’a procréée.

Le symptôme a très vite complètement disparu.

Le propre de l’inconscient est d’être là, il prédétermine, infiltre, gouverne toute une série de manifestations de notre vie quotidienne.

La découverte freudienne est d’avoir identifié ce qui peut nous faire souffrir et ce qui nous échappe complètement.